Entre le 28 mai et le 3 juin, les autorités suédoises expédient la brochure ‘En cas de crise ou de guerre’ à 4 millions 800.000 foyers (pour 10 millions de Suédois). Objectif ? Expliquer aux habitants comment se comporter en cas de conflit. Ce livret fournit des instructions détaillées sur les moyens de satisfaire les besoins élémentaires (trouver de l’eau et de la nourriture, se chauffer) ainsi que sur l’attitude à avoir en cas de cyberattaques.
Comme l’explique une responsable de la Swedish Civil Contingencies Agency : ‘Toute la société doit être préparée en vue d’un conflit, pas seulement l’armée’. ‘Nous n’avons pas utilisé de mots tels que ‘défense totale’ ou ‘haute alerte’ depuis 25-30 ans ou plus. Donc, les connaissances parmi les citoyens sont très faibles’, fait remarquer l’Agence. En effet, la dernière fois qu’une telle initiative a eu lieu en Suède remonte à… 1961.
Le remake d’un scénario suisse
Les instructions et conseils de la brochure suédoise de 2018 font terriblement écho aux avertissements du petit livre de couverture rouge intitulé ‘Défense Civile’, distribué à tous les ménages suisses en 1969. Dans l'esprit de la Défense nationale spirituelle, il entendait enseigner au bon peuple les rudiments du comportement à adopter pour parer toute menace extérieure sur le pays. Conçu et rédigé par l'officier d'état-major Albert Bachmann, il fut publié par le Département fédéral de Justice et Police, (le même ministère). L’accueil qui lui fut réservé n’était pas prévu : la gauche cria au scandale, des exemplaires furent brûlés devant le Palais fédéral à Berne.
Mais n’exagérons rien : ces incidents n’ont pas empêché le Département militaire (DMF) de confier à Albert Bachmann dès 1973, la réorganisation des services secrets. Quant au manuel ‘Défense civile’, il a connu le succès hors des frontières helvétiques. Il en existe par exemple des versions japonaise et égyptienne. L’Espagne fasciste du général Franco a tenté d’acheter les droits de traduction malgré l'opposition d'Albert Bachmann, le ‘James Bond de la Suisse’, (pour reprendre l'Irish Times), mort à Cork en avril 2011.
Les rumeurs de guerre froide en Baltique
La brochure suédoise est motivée en grande partie par la ‘situation de sécurité dans notre voisinage’, c'est-à-dire la région de la Baltique, note un porte-parole de l'agence des urgences civiles. La réédition de ce document (une première depuis 1961), intervient alors que le débat sur la sécurité de l'adhésion de la Suède à l'OTAN s'intensifie …, à la suite de violations présumées de l'espace aérien et des eaux territoriales suédoises par la Russie. La Suède ré-investit massivement dans sa stratégie de défense à travers le pays, réintroduisant la conscription et positionnant des troupes sur l'île de Gotland.
Des médecins sont inquiets
Dans un article paru le 12 août 2017 sur Göteborgsposten, traduit en anglais par Siv O'Neall, trois médecins du noms de Leif Elinder, Anders Romelsjö et Martin Gelin s’inquiètent du rapprochement entre la Suède et l’OTAN. Ce rapprochement augmente le risque, ‘pour notre pays’, d’être entraîné dans une guerre. Selon eux, il serait plutôt recommandé de soutenir toutes les initiatives allant dans le sens d’une détente et d’un désarmement, et de créer une opinion publique qui exige que nous prenions nos distances d’avec l’OTAN.
Les risques de confrontation nucléaire
La situation militaire stratégique est extrêmement instable, et partiellement parce que l’OTAN réarme les Etats qui entourent la Russie, dont les pays baltes et la Scandinavie. Des voisins de la Russie ont permis l’installation de bases de l’OTAN sur leur sol, au risque de de devenir eux-mêmes les cibles d’une première frappe. La Roumanie et la Pologne sont en train d’installer un nouveau système robotique de défense appelé Aegis ashore . En cas de dérapage, ces deux Etats (Roumanie et Pologne) seraient les premières cibles, les premiers visés si d’aventure les forces au service de Poutine décidaient de riposter. (…) Selon l’ex-secrétaire à la Défense US William Perry, les risques d’une guerre nucléaire sont aujourd’hui plus grands que jamais. Ils le sont pour des nombreuses raisons dont
- La rupture de l’engagement pris lors de la dissolution de l’URSS (en 1990) de ne jamais étendre l’OTAN
- Le nombre de pays membres de l’OTAN qui est passé de 13 à 29
- L’intervention de l’OTAN en Yougoslavie (1999) et la création d’un Kosovo indépendant.
- L’installation de bases anti-missiles en Roumanie et en Pologne qui sont/seraient très facilement reprogrammables en bases d’attaque robotisées
- La modernisation du système d’armement nucléaire US qui a coûté un trillion (douze zéros) de dollars.
- La supériorité militaire stratégique de l’OTAN en termes de possibilités de recourir à une ‘première frappe.’
Nombreux sont les Etats qui s’imaginent que l'adhésion à l’OTAN est un gage de sécurité. Mais lorsqu'un équilibre militaire est asymétrique, les conséquences logiques sont inversées.