Jean-Luis Cahu est né en 1959. Dès l'âge de treize ans, son père, maquisard normand de la Seconde Guerre mondiale, l'initie aux problèmes de défense. De 1974 à 1977, il suit une formation d'électro-technicien, et, en 1978, effectue son service militaire. En 1979, il rejoint l'Ecole des officiers de réserve de l'armée de l'Air d'Evreux. Plus qu'un engagement volontaire, c'est une vocation.
L'officier Cahu, carte d'identité militaire n° 79851, est convaincu que l'armement nucléaire existe pour garantir la paix. Il a vingt ans et il y croit. On lui confie des missions qui ne sont pas anodines telle, par exemple, la coordination des missions de bombardement des avions Mirage IV en exercice, au Q.G. des forces aériennes stratégiques, à Taverny. Cette tâche exige de la part de ceux qui l'accomplissent du sérieux et une grande solidité psychologique ( 'un comportement irréprochable' dira l'armée).
Devant les écrans de contrôle, Cahu aura pour dernière mission de conserver la clef qui peut déclencher le feu nucléaire. Et pas n'importe quel feu nucléaire : le tir des missiles S-3 du Plateau d'Albion. C'est là, à 400 mètres sous terre, en attendant l'improbable ordre d'engagement du Président de la République que Cahu va remettre son destin en question.
Un beau matin du 6 novembre, Jean-Louis Cahu disparaît dans la nature. Le 11 novembre, il manque à l'appel. Accident ? Suicide ? Enlèvement ? Au ministère de la Défense, on imagine le pire, on échafaude l'intervention de quelque puissance étrangère...Mais la réalité se moque des scénarios. Cahu a tout simplement décidé de mener sa vie autrement. Il adresse une lettre ouverte aux journalistes ...('Le Monde' du 3 décembre 1984) dans laquelle il confie avec un brin de naïveté : "Seule la désertion satisfait ma conscience d'homme". Nous sommes en 1984, en pleine crise des euromissiles.
La justice s'en mêle.
Pour être cohérent avec lui-même, Cahu veut pleinement assumer sa démarche. Il se rend aux gendarmes de Dourdan (Essone) un jour de décembre 84 (le 2) et est tout de suite incarcéré. La justice s'en mêle ; le procès qui l'attend ne va pas passer inaperçu : parmi les témoins, le général de Bollardière, l'homme qui a dit 'non!' à la torture en Algérie et qui se range parmi les objecteurs de conscience. A la même époque, Bernard Clavel s'adresse au Tribunal en écrivant : Vous allez avoir à juger Jean-Louis Cahu qui a refusé le risque de participer à la destruction de l'humanité. C'est là un geste qui l'honore. Que la loi vous oblige à le regarder comme un délinquant me paraît un scandale. (Lettre de Morges du 21 janvier 1985). En dépit des pressions et une plaidoirie magnifique de Jean-Jacques de Félice (l'avocat de Klaus Croissant et de Ben Barka), Cahu sera condamné au nom du Peuple français le 4 octobre 1985, par la Cour d'Appel de Nîmes. Il va faire 37 jours de prison. Motif : désertion en temps de paix
BC – octobre 1985