Pacifistes

A Mons, en évoquant W. Burchett et la peste atomique

Pizza PolicePas toujours évident d'être citoyen d’un Etat pour qui le nucléaire fait partie de l’identité nationale. Même si cela ne figure pas dans la Constitution comme en Corée du Nord. Un Etat qui, en matière de prolifération nucléaire, veut faire la leçon à l’Iran plutôt qu'à Israël. Un Etat qui, pour s'introduire dans le club atomique, a saboté le moratoire sur les essais atmosphériques en 1960. Le dernier des Etats nucléaires reconnus comme tels à avoir conspué le TNP jusqu’en 1992, ce TNP qui n'a pas empêché la France à assister Israël, l’Irak, la Corée du Sud, le Pakistan, l’Afrique du Sud et quelques autres dans leur aventure nucléaire militaire.  
La France, un pays singulier où l’enseignement sur la paix (peace studies) a été interdit jusqu’à la fin de la guerre froide. C’est dans ce même pays où 2 candidats à l’élection présidentielle ont été incapables, lors d’un débat télévisé, de citer le nombre de sous-marins nucléaires, et incapables de faire la distinction entre un sous-marin nucléaire d’attaque SNA et un sous-marin lanceur d’engins nucléaires, SNLE. Un pays étonnant qui pourrait tout de même s’honorer d’avoir offert au monde une dizaine de Prix Nobel de la Paix. 

Il y a ceux ici de rendre hommage aux victimes de Hiroshima et Nagasaki. Aux jeunes qui nous écoutent, et qui ont peut être l’impression que ces évènements tragiques appartiennent à l'histoire ancienne, je rappelle qu'en février 2013, une nouvelle photo du bombardement d'Hiroshima…a été retrouvée, et fut publiée par le journal ‘Rue 89’…
CHRISTMAS ISLANDEn tant que journaliste, c'est l'occasion de rendre hommage à ceux qui ont fait leur travail, et qui honorent la profession. Tel ce journaliste australien Wilfred Burchett, ami personnel d'Ho Chi Minh, seul reporter occidental à avoir rendu compte de la guerre du Vietnam, à partir du front nord-vietnamien. Il a vu Hiroshima, ce qu'il en restait et témoigné.

La pest brune

Son premier papier qui a échappé à la censure fut publié le 5 septembre 1945, presque un mois après le largage de la bombe 

missiles dans le corpsA. Il est paru à Londres dans le 'Daily Express' sous le titre ‘La peste atomique. Ce papier a fait le tour du monde. Il commençait par : ‘Hiroshima ne ressemble pas à une ville bombardée. C’est comme si un rouleau compresseur lui était passé dessus et l’avait complètement écrasée. J’écris ces mots avec le moins de passion possible en espérant que cela servira de mise en garde pour le monde’. Accusé de traître par ses concitoyens, c’est donc lui le premier qui a lancé l’alerte, qui a parlé, décrit et dénoncé la peste brune qui envahissait la ville. Et c’est grâce à lui qu’on saura qu’une nouvelle ère post-Hiroshima a commencé alors et qui perdure : l’ère de la censure concernant les activités nucléaires. (Voir son livre ‘Atomic cover-up’). Je veux rendre hommage aux victimes des essais. En évoquant les expérimentations nucléaires à travers le monde, on ne minimise pas ce qui a frappé le Japon, on rappelle juste que les destructions du 6 et du 9 août 1945 étaient aussi des expérimentations, l’une à l’uranium, l’autre au plutonium. Ceci nous permet aussi de réfléchir aux victimes par radiations qui se sont retrouvées dans des contrées colonisées dans l’hémisphère nord et sud, des îles qui n’étaient pas désertes (Novaya Zemlya, Polynésie, Iles Christmas) des territoires qui n’étaient pas désertiques (près de Lop Nor, Reggane dans le Sahara), des zones sensibles où le pouvoir impérial s'est exercé pour faire taire d’autres peuples, pour imposer la simulation de nouvelles formes de destruction, ce que j’ai dénommé dans mon livre les ‘guerres oubliées’.
Parmi tant d’autres.
DOME HIROSHIMARendons aussi hommage à Pierre Piérart qui est à l’origine en 1989 du Parc Hibakusha. Et par ce biais, rendre hommage à sa profession. Me sentir solidaire de ces scientifiques qui ont compris jusqu’à quel point le combat anti-nucléaire était un combat pour la vie. Qui ont compris en tant que médecins que les guerres provoquent des malades particulières, que les sociétés guerrières - et de plus en plus militarisées - sont malades… La guerre pourrait être perçue comme une maladie et d’ailleurs ce fut le titre d’un livre que les nazis ont brûlé. Ce livre était préfacé par un certain Albert Einstein…
A la devise ‘si tu veux la paix, prépare la paix', je préfère celle de Gaston Bouthoul pour qui ‘si tu veux la paix, connais la guerre !'Cela peut sembler un peu paradoxal ? Alors, disons….: Si tu veux la paix, tâche au moins de connaître ce qui empêche la paix, méfie-toi de la paix des cimetières, tâche de repérer les ennemis de la paix, ceux qui ont besoin de la guerre pour faire fructifier leurs affaires mortuaires, qui anime les ‘semaines de la haine’ ; renseigne-toi sur les systèmes d’armes qui ne sont pas adaptés aux menaces mais qui seront mis sur le marché dès que l’on aura trouvé un prétexte pour les rendre indispensables…
Rendons hommage aux victimes de cette pollution mentale…cette pollution que constitue la croyance dans cette ‘révolution scientifique, le titre du quotidien ‘Le Monde’ au lendemain d’Hiroshima, une pseudo 'révolution' qui s’est accompagnée de nouvelles façons de mourir ….mais pas vraiment d'une nouvelle façon de penser...et de vivre. 

Ben Cramer, août 2015