Tous les livres, revues et magazines qui traitaient de permaculture ou d'éthologie en passant par l'économie solidaire ou circulaire n'échappaient pas à Thierry Maous. Pourtant, il se méfiait des mots, couchés sur le papier. Surtout des siens. Pour palier à ce manque, « une tare de la jeunesse » disait-il, il fut l'artisan d'Écothèque, une médiathèque du développement durable sur internet.
Si le développement durable faisait sens, il fallait propager le message de façon pédagogique. Et Thierry, avec le ton d'un instituteur, se pensait d'abord comme un homme de la comm'. C'est d'ailleurs à Greenpeace qu'il fit ses premières armes et développa un vrai service de production audiovisuelle pour cette ONG qui, dans les années 80, avait du mal à faire passer son message. Dans les années 90, il estime qu'une publication consacrée à l'environnement et au développement durable dans le domaine de l'audiovisuel fait défaut en France. Il se lance alors dans Les Cahiers du futur, un projet qui donnera naissance à Ecofilm. Ca tombe bien puisque Thierry ne parvient pas à se maintenir aux commandes du Festival international du film d'environnement (FIFE) en Ile-de-France. Il reprend l'idée d'un festival itinérant du film du développement durable. Lille sera le premier terrain d'essai. Puis, Thierry élabore un kit à destination de toutes les communes, que ce soit en métropole et en outre-mer. Dans la foulée, il enfile le costume d'animateur (qui lui convient) en invitant les écoliers à être partie prenante des activités culturelles du festival.
A force de fréquenter le milieu de l'image et des caméras, de se rendre à Fespaco et à d'autres happenings du genre, de côtoyer régulièrement les mordus de documentaires comme au Festival de Lussas ou de Meni-goutte, Thierry est tenté de prendre la caméra. A son tour. En tant que réalisateur, il travaille sur divers projets dont « La banalité du bien ». Ce documentaire retrace, témoignages à l'appui, l'histoire de la résistance non violente, sur le plateau du Haut-Lignon, de la Réforme à nos jours. Pourquoi tant d'intérêt pour le Chambon ? C'était un peu son histoire, le déclic de son adolescence. Si Thierry Maous était capable d'échafauder des projets, en lien avec l'écologie, l'aide aux plus démunis, et la non-violence, c'est surtout parce que ces valeurs là lui avaient été inculquées à l'âge ado, par l'intermédiaire du Collège Cévenol au Chambon-sur-Lignon.
Une institution qui n'a pas été étrangère au parcours de son père, Claude (Maous). Dès l'âge de 16 ans, c'est lui qui organise le passage clandestin des Pyrénées vers l'Espagne au bénéfice de la Résistance. Dénoncé et arrêté par Vichy, il sera libéré par les résistants.
Thierry a aussi fait ses classes au Chambon (c'est là que j'ai croisé ce solitaire qui appréciait davantage les livres de philo que les potes). Une fois adulte, il s'est mis dans la tête que cet établissement d'un troisième type, (où l'enseignement de Martin Luther King et le Mahtama Gandhi était aussi important que celui des textes de Lagarde et Michard) se devait d'être à la hauteur de sa réputation d'antan.
Depuis 2009, Thierry est administrateur de l'Association des Anciens du Collège Cévenol. Au sein du conseil d'administration du Collège, Thierry se fait entendre : non seulement parce qu'il fait partie des Anciens, mais parce qu'il a une certaine vision pour l'avenir de l'établissement. Lorsqu'il est question de « refondation », à partir de 2013, Thierry s'implique à fond. A la fois dans le fund-raising, pour ranimer une école en sursis avec des profs un peu largués, et dans un projet pédagogique que les profs attitrés ont de la peine à concrétiser.
S'il mise sur le Collège pour transmettre un enseignement au développement durable, c'est parce qu'il croit que le Collège (avant la tragédie qui frappa Agnès Marin) pourra continuer ce qu'il fit dans le passé avec panache, c'est à dire pratiquer une pédagogie de la paix et de la non-violence.
Thierry mit fin à ses jours en octobre 2013.
Ben Cramer