La campagne pour l’abolition des armes nucléaires ou ICAN fut lancée en 2007 par l’Association des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW selon les acronymes anglo-saxons). La campagne a aussi été reliée en France. Pour ces médecins au service des urgences, les malades que sont les Etats pro-nucléaires - au nombre de 70 ! - méritent des soins intensifs. Mais au vu des symptômes, est-ce bien utile de s’acharner avec pour seule feuille de route un traité international ? Cela supposerait que la maladie atomique puisse être éradiquée quel que soit le terrain, quels que soient le contexte et l’environnement du malade. Or, c’est faux. Toute guérison dépend de nombreux facteurs, y compris le relationnel avec le corps médical, l’ambiance générale à l’hôpital (l’opinion publique) et le moral du patient qui est déterminant. Les médecins traitants sont assez compétents pour savoir qu’aucune prescription n’est valable pour tous les malades ; que les périodes de cure varient en fonction de chaque patient ; qu’il est strictement déconseillé d’administrer le même traitement avec les mêmes doses pour tout un chacun. Alors comment se fait-il que la démarche anti-nucléaire d’ICAN inspirée par des soignants, tourne le dos à ces évidences et ne tienne pas compte de la diversité des Etats et de leurs intérêts ? Certains s’arrogent des responsabilités mondiales, d’autres s’en passent volontiers. Certains disposent d’un ministère des armées (la France), d’autres d’un ministère du désarmement, d’autres ont tenté de lier les deux (de la défense et du désarmement dans le cas de la RDA de mars à octobre 1990). Le Japon s’est doté d’un ministère de la défense dès décembre 2006. A Haïti, le tout nouveau ministre de la Défense prend volontairement soin de ne pas utiliser le mot 'armée' auquel il préfère l’expression 'forces de défense et de sécurité' , en insistant sur le fait que ce sera une institution qui va accompagner le pays dans sa quête vers le développement .
A défaut de bien connaître les lignes directrices qui orientent les considérations d’ICAN sur la guerre et la paix, il en est une qui me paraît fondamentale : chaque peuple a sa propre conception de la sécurité. Celui qui procède par traitement indifférencié s’égare sur les critères de connivence. D’ailleurs, le secrétaire général de l'ONU António Guterres a pris le soin de déclarer qu’’il existe plusieurs chemins pour accéder à un monde sans armes nucléaires. 'J'appelle l'ensemble des États à intensifier leurs efforts pour contribuer à cette vision commune, chacun à sa manière’. Cela peut paraître contradictoire dans une enceinte où l’on prétend assurer des arbitrages par la garde alternée de l’insécurité nucléaire, mais le désarmement nucléaire constitue l’un de ses plus anciens objectifs. Il a fait l’objet de la première résolution de l’Assemblée Générale en 1946. Il est inscrit au programme de l’Assemblée Générale depuis 1959. Aussi pouvons-nous accorder quelque crédit à cette piqûre de rappel d’autant plus que tout traitement indifférencié tel qu’il est conçu par ICAN conduit à des amalgames, des passerelles surréalistes, la confusion des genres.
En reconnaissant humblement qu’un 'ordre' qui ne serait pas fondé sur la terreur nucléaire, brandi par ceux que le hasard du calendrier a propulsé sur le devant de la scène, reste à inventer.
B.C.