« Nous voilà coincés dans un cycle infernal dans lequel l’environnement, victime privilégiée des guerres, va de plus en plus être un déclencheur de nouveaux conflits armés », écrit d’emblée l'auteur de cet essai.
B.C. établit la relation structurelle entre les horreurs des pollutions et des catastrophes permanentes provoquées par les guerres, et les désastres écologiques dans le monde informe où l’humanité est parvenue en quelques décennies. Les guerres meurtrissent, ensanglantent la planète de façon irrémédiable et le lien s’impose désormais avec la violence écologique qui détruit les fondamentaux de la vie sur Terre.
Écologistes et pacifistes saisiront-ils enfin conjointement la nécessité de s’affranchir du complexe militaro-industriel qui configure ‘la production et le ciblage d’ennemis en fonction de critères à courte vue’ ? Les armes de destruction massive ne sont pas seules en cause dans cette guerre à l’humanité et à la biosphère, le seul écosystème qu’elle puisse habiter. On s’égorge en effet dans les bidonvilles de notre planète et l’auteur note que près de cent cinquante conflits armés ont sévi depuis 1945, exterminant plus de trente millions d’humains « dont plusieurs millions au cours de la décennie 2002-2011 qui comptait 73 conflits étatiques », et cela, sans recours aux armes de destruction de masse. Ben Cramer ironise sur la ‘maladie infantile’ des écolos qui en arrivent à vanter ‘la croissance verte’ sans remise en cause radicale de l’économie militarisée. Jamais dans l’histoire de l’humanité n’advint une telle capacité de destruction durable alors que sévit dans la vulgate écolo l’oxymore stupide du développement durable ! Accaparement des terres et des océans, détournement des matières premières sont souvent l’apanage des forces armées, avec d’incalculables risques pour la planète et ses habitants. Les sous-marins nucléaires restent le symbole le plus effrayant de la colonisation des mers, soulignée dès 1982 par l’amiral américain Hyman Rickover : "Je pense que la race humaine est en train de se ruiner, et il est important que nous parvenions à maîtriser cette puissance [nucléaire] horrible et que nous essayions de l’éliminer ‘ ; et, poursuivait-il à propos desdits sous-marins : ‘Si cela ne tenait qu’à moi, je les coulerais tous’. Cette colonisation de l’océan mondial se poursuit : écologistes et pacifistes l’ont oubliée. Et pourtant, poursuivre la fabrication d’armes tue ; qui prête l’oreille aujourd’hui à la campagne internationale ‘Désarmer pour combattre la pauvreté’ ?
Qui combat aujourd’hui la politique militaire française qui a lancé dans l’océan mondial le Rubis, le Saphir, l’Émeraude, le Perle ? Est-ce parce que ‘nous le valons bien’, comme dirait L’Oréal ? Selon le discours officiel, la force de dissuasion de la France n’est pas négociable : selon Sarkozy, notre dissuasion existentielle est ‘un minimum vital’ ; selon Fr. Hollande, il faut ‘dépenser juste’ ; et selon les citoyens français ?
Dans le moment historique de détérioration globale des conditions de vie sur Terre que nous vivons, il est urgent de prendre conscience des synergies puissantes qui lient militarisation et destruction des fondamentaux de toute vie sur Terre. La sécurisation écologique de nos vies dépendra aussi de la capacité des écologistes et des pacifistes de s’unir dans les luttes au quotidien, par-delà les frontières. Pour éviter les horreurs écologiques qui nous menacent, ‘nous avons peut-être les moyens et de bonnes raisons d’enterrer quelques haches de guerre et nous éviter des étés sans soleil’. Telle est la leçon essentielle de cet essai percutant et remarquablement informé. À lire de toute urgence !
Jean-Paul Deléage