Stratèges atterrés

Présidentielles : le ‘vivre ensemble’ avec la bombe

BUREAUde VOTEMême si la guerre fait moins rêver les foules que la paix, même si le chemin vers l’Elysée est un chemin de croix, et pas uniquement pour Fillon, tous les prétendants (ou presque) ont bien d’autres chats à fouetter que le désarmement.
Marine Le Pen veut désarmer Macron. Hamon peine à désarmer Mélenchon. Mais pour le reste ? Nos candidats-vedettes ne préconisent pas la croissance zéro des efforts militaires. Ceux qui nous promettent le ‘changement’ ou ‘l’alternance’ ont la fâcheuse manie de se référer aux principes trop classiques de la dissuasion nucléaire, alors que ceux-ci furent conçus durant la guerre froide et ne se justifient pas 25 ans après. Ceux qui nous proposent une nouvelle constitution et une VIème République ont juste omis de revoir leur copie, alors que la Vème République et la force de frappe sont idéologiquement liées.
Si l’on regarde attentivement les programmes de défense de nos candidats, ils sont tous d’accord pour dire qu’il ne faut pas ‘baisser la garde’. Quelle unanimité !
Dans l’apprentissage du métier de président-chef-des-armées, disposer de nerfs d’acier face au bouton nucléaire dans le PC Jupiter ne suffit pas. Faut connaître les ‘fondamentaux’. Faut savoir par exemple que la guerre tue. Que le terrorisme tue aussi. Qu’une attaque terroriste ne signifie pas que le pays est en guerre. Reste maintenant, concrètement, à ne pas se planter sur le nombre exact de nos sous-marins nucléaires, et faire le distingo entre SNA(*) et SNLE (**) En 2007, Sarko et Ségolène Royal avaient échoué au test, en direct à l’antenne…

BREXIT

Europe et OTAN

Il y a unanimité car grâce au Brexit, la France est désormais le seul État de l'UE à disposer de la gâchette nucléaire. Quand on détient ce joker, ce n’est pas le moment de le jeter aux orties mais plutôt de le valoriser. La marche à suivre semble simple : primo, ne pas se laisser distancier par l’Allemagne qui investit autant d’euros que nous dans sa défense alors qu’elle est dépourvue de sous-marins nucléaires et n’a pas le rayonnement (sic) pour entreprendre des opérations extérieures. Secundo, pour éviter le nationalisme pur et dur, marchander au niveau européen le parapluie nucléaire et, au nom de la ‘mutualisation’, encaisser les dividendes d’une protection élargie. (élargie aux candidats à cette protection). Tertio, annoncer haut et fort qu’on va quitter l’OTAN, sans expliquer la marche à suivre, rabâcher que l’OTAN menace la paix alors que l’OTAN porte surtout atteinte à l’intégrité de ses membres. Par la même occasion, zapper les enjeux autour du retrait ou de la modernisation des armes nucléaires tactiques (US) qui polluent le paysage européen.
Le chef d’état-major des armées a raison quand il prévient que ‘Nos prétendants doivent être ‘intellectuellement et psychologiquement préparés pour être à la hauteur de leurs responsabilités de chef des armées, dès leur prise de fonction’. Le message a-t-il été reçu ? En tout cas, le candidat Hamon n’est pas le seul à s’être rendu à Brest pour se familiariser avec les sites sacrément stratégiques de la Marine nationale, et jurer fidélité au crédo nucléaire.

L’ONU contre la bombe

onusiteLe 27 mars 2017, l’ONU a fait parler d’elle. Elle a organisé en grande pompe à New York une conférence pour rédiger un traité visant à interdire les armes nucléaires et dessiner l’architecture diplomatique d’une planète sans la bombe. Rien que ça. Sous la présidence Hollande, la riposte française a été de faible intensité, tout comme celle de Poutine et Trump qui ont toujours la trouille de manquer de munitions. Pouvait-elle réagir autrement en fonction des échéances électorales du mois de mai ?
Tout le monde s’en fout. Les pacifico-sceptiques éprouvent un ras-le bol face aux obligations qui nous lieraient au Traité de Non Prolifération (TNP), un texte qui a servi à 5 puissances nucléaires de s'octroyer un permis de détruire dans le seul but de l'interdire à tous les autres. Certes, certains misent sur une conférence internationale pour le désarmement nucléaire, mais comme les chances d’un consensus sont nulles, le désarmement préconisé (pour la forme) sera renvoyé à la Saint Glin Glin. D’ailleurs, la toute première résolution de l’ONU pour ‘éliminer les armements nationaux’ remonte à 1959. Les plus farfelus qui sont passés maîtres dans les propositions fourre-tout reprendront à leur compte les propos abscons de l’ambassadrice française Alice Guitton pour qui ‘le désarmement nucléaire n’aboutira que grâce à des efforts constants pour mettre en place les conditions nécessaires au désarmement’. Quant aux pacifistes anti-bombes, ils ne nous rassurent pas en proclamant que le nucléaire peut être proscrit au même titre que la cigarette dans les lieux publics ; que la munition dopée à l’arme A ou H mérite le même traitement que les mines anti-personnel, les armes chimiques ou les armes à sous-munitions.
Bref, il est temps de définir s'il y a des menaces et lesquelles ; d'inclure le lobby militaro-industriel. Comment plafonner  les capacités de destruction, comment contrer les menaces financières. Mais voilà : le désarmement n’a pas d'avocats crédibles, la question du service militaire évacue l'idée d'un service à la Terre ; les conflits verts, la sécurité climatique sont aussi absents des programmes que dans le Livre Blanc. La notion de sécurité est squeezée dans un carcan purement militaire. La pensée stratégique est en panne. On veut bien penser la politique autrement, sans penser la défense autrement. Pourquoi ? Parce que l'ambition de se défaire des vieilles croyances et des vieux mythes ne se marie pas avec une certaine vision de la ‘grandeur de la France’ et surtout la grandeur …dont se réclament celle et ceux qui prétendent la servir.

Les Insoumis Atterrés

 

*Sous-marins nucléaire d’attaque
**Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins