Bonjour l'Europe

Un spectre hante l’Europe : la peur

Banksi Colombe 520x245Selon Gorbatchev, (cf. Time Magazine, dès janvier 2017), le monde est saturé et dépassé par les problèmes ; les hommes politiques semblent dans la confusion et perdus. Aucun problème n’est plus urgent aujourd’hui que la militarisation de la politique et une nouvelle course aux armements. Inverser cette course doit être notre priorité numéro 1.

La situation actuelle est trop dangereuse. Davantage de troupes, de chars sont acheminés vers l’Europe. L’OTAN et les forces russes autant que des armes qui furent hier encore déployées à une certaine distance sont désormais stationnées à des distances de tir.
Tandis que les budgets nationaux se débattent pour assurer les besoins sociaux élémentaires, les dépenses militaires sont en hausse. On débloque plus aisément de l’argent pour des armes sophistiquées dont le pouvoir de destruction est comparable à celui des armes de destruction massive ; ce qui est vrai pour les sous-marins dont chacune des salves est capable de réduire à néant un continent ; ou encore des systèmes de défense antimissiles qui minent toute stabilité stratégique.
Les leaders militaires tout comme les dirigeants politiques élèvent la voix de façon de plus en plus combative et les doctrines de défense sont de plus en plus dangereuses. Les commentaires et les personnalités des médias s’invitent à ce chœur belliqueux. On a vraiment l’impression que le monde se prépare pour la guerre.

Cela aurait pu se passer autrement

Dans la seconde moitié des années 1980, nous avons lancé avec les Etats-Unis un processus de réduction des armes nucléaires et d’abaissement de la menace nucléaire. Depuis lors, comme l’ont annoncé Moscou et Washington lors de la conférence de révision du Traité de Non Prolifération, (TNP), 80 % des armes accumulées durant la Guerre froide ont été démantelées et/ou détruites. Alors même que nul n’a pu en pâtir d’un point de vue sécuritaire. Et les dangers de déclenchement d’un conflit nucléaire émanant d’une faille technique ou d’un accident ont été diminués. Ce résultat fut rendu possible, avant tout, grâce à la conscience des leaders des principales puissances nucléaires selon laquelle une guerre nucléaire était inacceptable.
Au mois de novembre 1985, lors du premier sommet à Genève, les dirigeants de l’URSS et des Etats-Unis ont déclaré : ‘Une guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée et ne doit pas être menée. Aucune de nos deux nations ne visera la supériorité militaire.’ Cette déclaration fut accueillie avec un énorme soulagement. Je me rappelle d’un meeting du Politburo en 1986 avec pour thème la doctrine de défense. Il y était alors question, dans la première version du texte, de ‘ riposter avec tous les moyens appropriés’ . La formule suscita des objections parmi les membres du Politburo. Tous se mirent d’accord pour dire que les armes nucléaires ne devaient servir qu’à une seule et même chose : éviter la guerre. Et que l’objectif ultime devait être un monde sans armes nucléaires.

Il est tentant de considérer que le dialogue doit (aujourd’hui) se concentrer sur la lutte contre le terrorisme. Ceci est en effet important, une tâche urgente. Mais, au cœur d’une relation normale et d’un éventuel partenariat, ceci ne suffit pas.

Rompre le cercle vicieux

Mikhail GorbachevAujourd’hui, la menace nucléaire semble redevenir une réalité. Les relations entre les grandes puissances empirent depuis quelques années. Les promoteurs d’une relance de l’armement et le complexe militaro-industriel se frottent les mains. Nous devons sortir de cette situation. Il nous faut reprendre le dialogue politique en vue de parvenir à des décisions et des actions communes.
Nous devons nous focaliser sur la prévention de la guerre, la mise à l’arrêt de cette course aux armements et la réduction des arsenaux. L’objectif devrait consister à s’entendre, non seulement sur les niveaux et les seuils en matière d’armement nucléaire, mais aussi sur la défense anti-missile et sur la stabilité stratégique.
Dans notre monde, les guerres doivent être mises hors la loi car aucun de nos problèmes mondiaux ne peut être résolu par la guerre, ni la pauvreté, ni l’environnement, les migrations, la surpopulation ou la raréfaction des ressources.

Faire le premier pas

Je demande instamment aux membres du Conseil de Sécurité de l’ONU – l’organe qui a en charge la responsabilité première de la paix et la sécurité internationale – de faire le premier pas. De façon concrète, je propose qu’une réunion des membres (permanents) du Conseil de Sécurité, au niveau des chefs d’Etats, adopte une résolution dans laquelle est déclaré que la guerre nucléaire est inacceptable et ne doit jamais être menée. Je pense qu’une telle initiative pour une telle résolution devrait provenir de Donald Trump et de Vladimir Putin – les présidents des deux nations qui détiennent plus de 90% des arsenaux nucléaires du monde entier.
Maintenant est venu le moment de décider et d’agir. Le président Franklin D. Roosevelt a dit un jour qu’être libéré de la peur constituait l’une des principales libertés. Aujourd’hui, le fardeau de la peur et l’angoisse de la porter est ressentie par des millions de gens, et cela en raison du militarisme, des conflits armés, la course aux armements et de l’épée de Damoclès nucléaire. Débarrasser le monde de cette peur signifie rendre les humains plus libres. Ceci devrait être notre objectif commun. Beaucoup d’autres problèmes sembleraient alors beaucoup plus simples à résoudre.


Johan Galtung TrentoMikhaïl Gorbatchev (Time Magazine)


Gorbatchev admettra, bien plus tard, que ses initiatives prises en faveur du désarmement avaient été inspirées par Johan Galtung, un pionnier de la Peace research ou irénologie qui travaillait alors au Peace Research Institute d’Oslo (PRIO). 
Parmi ces initiatives, celle de son ministre E. Chevardnadze qui proposa en 1991-92 que l’on réduise ‘tous ensemble’ (Est et Ouest confondus) de 30 % nos dépenses militaires pour affecter les ressources ainsi épargnées à la protection de notre planète en si grand danger. Des initiatives qui ont valu à Gorbatchev le Prix Nobel, le deuxième pour un soviétique après Sakharov. J. Galtung ne se doutait pas que ses écrits seraient épluchés et potassés par de proches collaborateurs du père de la perestroïka ; que Gorbatchev s’en inspirerait pour dessiner un ‘horizon 2000 sans armes nucléaires’. Galtung se verra décerner en 1987 le Right Livelihood Award