C’est en 1956, lorsqu’une solution globale en matière de désarmement apparaît hors d’atteinte dans un avenir prévisible, que l’URSS propose la création, en Europe, d’une zone de limitation de d’inspection des armements ainsi qu’une dénucléarisation complète de l’Allemagne. Les diverses versions du Plan Rapacki (1957, 1958, 1962, 1964) tendaient à la dénucléarisation de l’Europe centrale.
L’une des premières propositions émane d’Irlande en 1959, à la XIVème session de l’Assemblée Générale (de l’ONU). Il s’agit de préconiser la création de Zones Exemptes d’Armes Nucléaires (Z.E.A.N) comme solution régionale aux enjeux de prolifération/non-prolifération nucléaire. D’ailleurs, le TNP dans son article 7 précise qu’aucune disposition de cet instrument ‘ne porte atteinte au croit d’un groupe quelconque d’Etats de conclure des traités régionaux de façon à assurer l’absence totale d’armes nucléaires sur leurs territoires respectifs’. Mais le concept de Z.E.A.N. est plus étendu que celui de la non-prolifération. En effet, si les Etats qui adhèrent aux TNP ne peuvent fabriquer, ni autrement acquérir les armes nucléaires ni exercer un contrôle sur de telles armes, ses signataires ont la faculté d’autoriser un Etat doté d’armes nucléaires (comme les Etats-Unis) à entreposer, sous son propre contrôle, des armes nucléaires….Une faculté qui n’est pas concédée aux pays membres d’une Z.E.A.N. (!)
En 1961, la résolution 1664 (XVI) de l’AG, adoptée à la suite d’une proposition suédoise (Plan Unden) demandait au Secrétaire général de l’ONU de procéder à une enquête sur ‘les conditions dans lesquelles les pays qui ne possèdent pas d’armes nucléaires pourraient accepter de s’engager expressément à s’abstenir d’en fabriquer et d’en acquérir de quelque autre manière et à refuser d’en recevoir à l’avenir dans leur territoire pour le compte d’un autre pays’. Les réponses à l’enquête constituaient un éventail assez large d’opinions variées. Un groupe d’experts créé par la résolution 3261 (XXIX) a présenté son rapport en 1975. L’Assemblée en a pris acte (résolution 3472).
Il y a quarante ans, la Commission Palme propose l’établissement en Europe d’une zone exempte d’armes chimiques ainsi que la dénucléarisation, en commençant par l’Europe centrale, de la zone où auraient eu lieu les premiers actes d’hostilités et ceci pour éviter notamment le recours prématuré aux armes nucléaires en cas d’incident de frontière ou d’un affrontement local. Le 8 décembre 1982, le gouvernement suédois, s’inspirant de cette proposition, s’adresse aux membres de l’OTAN, aux adhérents du Pacte de Varsovie et aux Etats neutres et non alignés d’Europe, en demandant leur avis sur une zone dénucléarisée d’une étendue de 150 km de part et d’autre d’une ligne qui sépare l’OTAN du Pacte de Varsovie. Les Pays de l’Est acceptent l’idée de cette zone tout en demandant que son étendue soit doublée. Les pays de l’Ouest la refusent, estimant qu’elle n’apporterait que l’illusion de la sécurité, une solution qui ne contribuerait pas à réduire le déséquilibre conventionnel (classique) existant entre les deux blocs. Une nouvelle proposition concernant une zone exempte d’armes chimiques, englobant la R.F.A., la R.D.A. et la Tchécoslovaquie est avancée par ces deux derniers pays en septembre 1985 (CD 643). Et depuis ?
Les trois puissances nucléaires occidentales (U.S, U.K et France) considèrent que le problème des Z.E.A.N. se pose différemment suivant qu’il s’agit d’Etats complètement dépourvus d’armes nucléaires ou de pays sur le territoire desquels se trouvent de telles armes et qui appartiennent à une alliance à laquelle participent ces trois puissances, ou l’une d’elles. C’est le sens du principe formulé par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, suivant lequel les Z.E.A.N. ne doivent pas porter atteinte aux arrangements de sécurité existants. Le gouvernement français, dans une déclaration du 25 janvier 1978, a affirmé que le problème de l’arme nucléaire ‘ne se pose pas dans les mêmes termes dans les zones où l’arme nucléaire est un élément d’équilibre général et dans les zones où son introduction constituerait un facteur dramatique de déséquilibre’. En France, le gouvernement a adopté dès 1981 la même position. Le représentant de la R.F.A. à l’ONU renchérit : ‘la raison d’être d’une alliance serait compromise si des zones ayant des degrés différents de vulnérabilité devaient faire partie du réseau de l’Alliance’.
Pourtant, au sein de l’Alliance Atlantique, des statuts différents existent dont celui de la France (de 1966 à 2007, avec le retour dans le commandement militaire intégré), ou celui du Danemark, de l’Islande et de la Norvège (qui n’acceptent pas, en temps de paix, des armes nucléaires sur leurs territoires). En 1983, la Finlande a estimé que les autres Etats devraient respecter le statut qu’elle a librement choisi de ‘pays exempt d’armes nucléaire’. De leur côté, le Parlement et le gouvernement islandais ont déclaré que leur pays, pourtant membre de l’O.T.A.N., constituait une zone dénucléarisée en temps de guerre comme en temps de paix (IHT, 25 mais 1985).
Au-delà des effets d’annonce, la dénucléarisation demeure inversement proportionnelle aux enjeux que représentent les territoires. Les zones géographiques dénucléarisées se réduisent, à fur et à mesure que l'espace extra-atmosphérique est de plus en plus militarisé.
L’idée d’une Europe, zone exemptes d’armes nucléaires (Z.E.A.N) a une longue histoire. C’est en 1956 que sont avancées les premières propositions concrètes.
Pour rappel : toute Z.E.A.N. doit être créée en vertu d’un traité ou convention, librement conclue par un groupe d’Etats. Elle doit être reconnue comme telle par l’A.G. de l’ONU. Pour chaque Z.E.A.N. ainsi établie, les puissances nucléaires doivent s’engager par traité, convention ou protocole a) à respecter le statut précité ; b) ne pas contribuer de quelque manière que ce soit, à des actes impliquant la violation de l’acte constitutif ; c) : ne pas utiliser ou menacer d’utiliser des armes nucléaires contre les Etats qui font partie de la zone.
BC