Paris a hébergé les 29 et 30 juin un 'mini-sommet' avec les représentants des 5 puissances nucléaires (militaires) qui sont membres du Conseil de Sécurité. Une occasion en or pour rouler dans la farine ceux qui ont la naïveté de croire que la sécurité n'a rien à voir avec le nucléaire...
Ca n'a échappé à personne : tout le monde veut se débarrasser du nucléaire. Du nucléaire militaire évidemment. Mais contrairement à ce qui se dit et se fait pour le nucléaire civil, tout le monde voudrait d'abord et avant tout se débarrasser du nucléaire des autres. Ce marchandage qui a pris naissance à l'ONU dans les années 60, à la suite de l'essai nucléaire chinois d'octobre 1964, est toujours d'actualité.
Le dernier marchandage public dans la grande diplomatie atomique a eu lieu fin juin. Le surlendemain de la journée internationale contre l'abus et le trafic illicite des drogues. Les représentants des 5 puissances nucléaires attitrées, le club le plus sélect de la planète surnommé P5 (prononcez pi five) se sont retrouvés les 28 et 29 juin à Paris. Pourquoi Paris ? Parce que la capitale française a signé la Charte des villes de paix et reprise à son compte les promesses d'un monde sans armes nucléaire d'ici 2020 comme le voulait Tadatoshi Akiba, l'ex-maire d'Hiroshima. Non. Parce que le gouvernement français ne veut pas apparaître comme réfractaire au désarmement depuis que le président Obama a pris la tête de cette campagne, lors de son fameux discours à Berlin. Objectif de ce cénacle : montrer ou démontrer l'engagement des 5 puissances officielles,- reconnues comme telles par les traités internationaux, à se débarrasser de leurs arsenaux encombrants et coûteux, afin de sauver un Traité de Non Prolifération, ou du moins de ravaler sa façade d'ici le prochain round en 2012 à Vienne.
Mais pourquoi et affichage ? Pourquoi tant d'efforts ? Parce que cet engagement de la part des plus fournis en munitions atomiques de tout calibre, ne crève pas les yeux du commun des mortels, encore moins de ceux parmi les Etats non nucléaires qui ont signé le Traité de Non Prolifération depuis belle lurette ; à qui on a promis depuis 1970 que leur renoncement à la bombe était une option win-win pour la simple et bonne raison que toutes les nations, les plus enrichies en uranium et les autres, allaient s'y soumettre un jour ...ou l'autre, avant la sin-glin-glin. Ce flou artistique sur le timing a d'ailleurs fait le bonheur des Israéliens, des Indiens, des Pakistanais et des Nord-Coréens et bientôt des Iraniens.
A Paris, donc, le représentant du Quai d'Orsay a sérieusement insisté sur le cas iranien en faisant remarquer, malgré sa bonne foi, que les gages de désarmement n'auraient aucun effet d'entraînement à Téhéran. La représentante britannique s'est montrée plus vertueuse surtout en matière de transparence. Elle a rappelé que le pays de Sa Gracieuse Majesté vient de réduire le nombre de têtes nucléaires sur les missiles de ses sous-marins. Le représentant de la Chine Pop a laissé entendre que le Parlement ratifierait prochainement le traité d'interdiction des essais nucléaires ou CTBT. Les représentants Russe et Etasunien ont estimé que les obstacles à la Conférence du Désarmement n'étaient pas insurmontables, même si Moscou se méfie de la militarisation de l'espace extra-atmosphérique ( le cosmos ), même si tout traité pour interdire la production de matières fissiles ne convient pas à Pékin. Bref, la bande des Cinq semble à l'unisson pour affirmer haut et fort qu'un monde sans armes nucléaires est le meilleur chemin à emprunter.
A tous les sceptiques, il faudra rappeler que ces paroles prometteuses ne sont pas insensées et procède même de la realpolitik depuis le 11 septembre. Le matos nucléaire ne remplit pas son rôle dissuasif, et c'est gênant, et pour le credo et pour les croyants. La disparition de ces arsenaux peut-elle être un atout ? On en a longtemps douté. Mais les esprits évoluent. Après tout, me confiait un expert, l'option zéro (arme nucléaire) interdirait aux plus faibles d'égaler les plus forts. Ceux qui sont privés de bombe ne pourraient plus miser sur le pouvoir égalisateur de l'atome (dixit feu général P.M.Gallois). Le pouvoir des plus forts serait ainsi beaucoup moins contestable. Bref, dans la mesure où les conflits asymétriques d'aujourd'hui se gèrent sans recours à l'atome, ce combat pacifiste semble quasiment gagné d'avance, pour ne pas dire dépassé. Sauf que les 5 manitous qui font la pluie et le beau temps au Conseil de Sécurité ne sont pas d'accord entre eux sur la marche à suivre. Et si Obama veut réduire son ardoise en taillant le budget nucléaire américain – de 400 milliards d'ici 2015 ! - Moscou et Pékin n'ont pas les mêmes priorités. Petite cerise sur le gâteau : la Conférence du Désarmement à Genève vient de se doter d'un nouveau président parmi les dissidents qui n'étaient pas invités au conclave : l'ambassadeur de la Corée du Nord.
B.C., juillet 2011