Bonnes nouvelles

L’eau, un enjeu de guerres ou de paix

640 water spireOn peut regretter qu’en 2022, il n’y ait aucun candidat aux élections présidentielles qui se présente à une conférence de presse avec un verre d’eau. C’est pourtant ce qu’avait fait René Dumont en 1974 pour attirer l’attention sur l’eau ‘quelque chose de précieux’ et dont ‘nous allons bientôt manquer’. Bien que  nos candidats semblent sous-estimer ces enjeux, les avancées sont telles que le prochain Forum Mondial de l’Eau, le 9ème du genre, a choisi pour thème ‘la sécurité de l’eau pour la paix et le développement’.
Que de chemin parcouru depuis l’énoncé de la Charte de l’ONU dans lequel la sécurité écologique brillait pour son absence ! En 2010, les États reconnaissent en Assemblée Générale des Nations Unies l’accès à l’eau et à l’assainissement comme un droit humain fondamental. En 2015, ces mêmes Etats, en adoptant les 17 Objectifs du Développement durable (ODD) s’engagent à atteindre une gestion durable de l’eau et l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement d’ici 2030. Comme dirait Gérard Payen qui fut l’ancien conseiller de l’eau auprès du Secrétaire général des Nations Unies, il s’agit, avec les nouvelles cibles sur l’eau (accès universel à l’eau potable et à l’assainissement, réduction des pollutions, gestion durable, bonne gouvernance, préservation des écosystèmes aquatiques), d’une quasi révolution qui change graduellement la perception des besoins. Depuis novembre 2015 toujours, a été lancé à Genève le Panel mondial de haut niveau sur l’eau et la paix, un panel impulsé par la Suisse et où sont représentés une quinzaine de pays dont la France et le Sénégal. Un an plus tard, sous la présidence du ministre sénégalais des Affaires étrangères, le Conseil de Sécurité de l’ONU a organisé sa toute première discussion sur l’eau, la paix et la sécurité
robinet okPour justifier la légitimité de la démarche au sein du Conseil de Sécurité, le représentant de la France a rappelé que les ressources naturelles sont en cause dans 40 % des conflits recensés durant ces 60 dernières années.

AGENDA 2030Les hydrologues ne sont pas toujours familiarisés avec les arcanes de la polémologie. Rares sont ceux qui ont été inspirés par des chercheurs comme Thomas Homer-Dixon qui avait anticipé la vocation sécuritaire de l’eau dans les années 1990 et donné à l’eau une dimension stratégique. Mais leur message est de plus en plus audible. Le Conseil Mondial de l’Eau et le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB) ont lancé en septembre 2021 lors du Congrès Mondial de la Nature de l’IUCN un appel à signature avec le slogan ‘Pas de sécurité hydrique sans sécurité écologique / Pas de sécurité écologique sans sécurité hydrique’. Sera-t-il entendu ?

PARTENARIAT FR POUR EAUA première vue, les problèmes liés à l’eau sont éclipsés par la focalisation sur les gaz à effet de serre, comme si le cycle de l’eau ne refroidissait pas la température terrestre. Comme si les populations qui fuient leur région et cherchent refuge ailleurs sont motivées par les augmentations de températures et non pas par la pénurie d’eau. En réalité, la crise de l’eau n’est pas encore une priorité sur l’agenda politique international. C’est pourquoi les enjeux autour de l’eau sont marginalisés lors des rencontres annuelles comme celle du Forum de Paris sur la Paix qui en est à sa 4ème édition.
Rares sont les pays, exceptées l’Afrique du Sud ou l’Australie, qui font de l’eau une priorité nationale (même si le contenu de cette priorité est discutable). Là où l’eau est devenue une question de sécurité, comme à Singapour, le ministère est celui de l’Eau et de l’Environnement et non l’inverse en termes de priorités.

            L’eau, un enjeu de paix

AGENDA 2030

Tout récemment, grâce à la démarche du Geneva Water Hub qui promeut un plaidoyer politique pour l’utilisation de l’eau comme instrument de paix et de coopération, la candidature de Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS) a été soumise à Oslo pour l’obtention du Prix Nobel de la Paix 2022. L’OMVS, créée il y a 50 ans grâce à la détermination de Leopold Senghor, incarne un partage des eaux raisonné entre le Mali, la Mauritanie, la Guinée et le Sénégal. Récompenser l’OMVS enverrait un message politique juste et judicieux, puisqu’il mettrait en exergue, à partir d’un continent marqué par l’instabilité politique, un modèle de gouvernance transfrontalière exemplaire. Ce serait la meilleure occasion d’affirmer que l’eau est au cœur des enjeux géopolitiques. Aujourd’hui et demain. Pareille sélection de la part du Parlement norvégien pourrait (enfin !) positionner l’eau sur le devant de la scène mondiale. A l’image de ce qui est advenu avec la nomination en 2004 de Wangari Matthaï surnommée ‘la femme qui plantait des arbres’. Cette lauréate improbable aux yeux de ceux qui voudraient respecter à la lettre les dernières volontés d’Alfred Nobel a servi de détonateur pour une prise de conscience autour des ‘ceintures vertes’. Elle a permis non seulement de démontrer l’importance des arbres, mais favoriser les campagnes de reforestation à travers la planète. Dans le même esprit, un prix Nobel décerné à l’OMVS pourrait apporter la consécration à tous ceux et celles qui s’acharnent pour que l’eau soit un moyen de médiation et non une cause de conflits. Cette récompense donnerait aussi du poids aux avocats de l'hydro-diplomatie et à ceux qui réclament des casques bleus de l’eau pour surveiller les installations, protéger les ouvrages. L’eau qui concerne tout un chacun d’une façon ou d’une autre est une porte d’entrée à la sécurité humaine.
Voici un sujet qui devra s'imposer lors la Conférence que les Nations Unies organiseront en mars 2023 sur le thème de l’eau et de l’Agenda 2030.
B.C.