Parmi les propositions et mesures qui ne figurent pas dans les pages du prochain Livre Blanc, la mise sur pied d'une Agence du désarmement [1]. Si la politique de défense et de sécurité voulait s'inspirer davantage de la culture du développement durable [2], cette exigence de "regard plus vert" pourrait se répercuter sur les programmes nucléaire et chimique.
Le nucléaire sécurisé ?
Grâce à l'expertise du CEA, du SGDN, de la contribution des ministères des affaires étrangères, de l'économie, des Finances et de l'Industrie, la France épaule les efforts russes pour se débarrasser d'un héritage [3] dont les effets à long terme peuvent représenter une menace pour l'environnement, donc pour la sécurité du continent, et ce au-delà du risque de détournement de matières nucléaires mal entreposées ou mal entretenues.
Il y a non seulement une coopération dans le domaine de la sûreté des combustibles usés et la gestion des déchets radioactifs, mais, depuis le sommet du G-8 à Kananaskis (Canada), une implication française dans le Global Partnership Against the Spread of Weapons and Materials of Mass Destruction, surnommé "Global Partnership".
Pour aider l'ex-URSS à sécuriser et démanteler ses armes NBC, les 7 pays les plus industrialisés ont débloqué une enveloppe de 20 milliards de dollars sur dix ans dont la moitié à la charge des Etats-Unis d'Amérique, et 10 milliards en provenance d'autres pays donateurs.
Dans ce 'package' multilatéral, la France participe au fonds NDEP (Northern Dimension Environmental Partnership), qui finance ou financera des projets liés au démantèlement de sous-marins nucléaires et au traitement des sites correspondants . En engageant à la fin de 2006, 5,3 millions d'Euros, avec l'expertise d'industriels français (Safran) - le CEA opère sur le site de Gremikha ; ces opérations sont coordonnées par l'institut Kurchatov à Moscou. Paris s'est engagé à financer l'étude de faisabilité, puis déterminera la part des travaux de réalisation , en coordination avec Rosatom . La prise en charge se fera en accord avec les autres donateurs dont l'Union Européenne en tant que telle, (programme TACIS), la BERD (NDEP) et l'Italie. La France assure la coordination technique.
La France participe aussi au Multilateral Plutonium Disposition Group ou MPDG dont l'objectif est de permettre l'élimination du plutonium militaire russe "en excès" ; le CEA contribue à ce que le plutonium serve de combustible MOX dans les réacteurs électrogènes VVER, ce qui prolonge l'accord américano-russe de septembre 2000 qui vise à éliminer 34 tonnes de plutonium militaire de part et d'autre ; bien que la décision française n'ait pas fait l'objet d'une grande publicité, la France a ratifié, dès le 5 janvier 2005, l'accord-cadre MNEPR ou Multilateral Nuclear Environmental Programme in the Russian Federation .
Certes, Tchernobyl aidant, la focalisation sur l'arsenal russe n'a pas constitué une surprise. Et le "démontage" de l'arsenal nucléaire russe est perçu comme aussi menaçant, sinon pire, que sa montée en puissance au temps de la guerre froide. Mais s'il ne s'agit pas d'une simple opération de relations publiques, il y a tout lieu de penser que cette coopération n'est pas destinée à demeurer à sens unique. La maîtrise française en la matière pourrait dépasser le stade - exclusif - de l'exportation. En admettant que les déclarations sur les bienfaits du développement durable [4] ne sont pas une clause de style, le savoir-faire pourrait trouver quelques débouchés, dans l'Hexagone même. Les opérations concernant le démantèlement ou la 'dé-construction' des sous-marins nucléaires (SNLE et SNA) sont sujettes à controverse, même au sein de la DCN. (Cherbourg).
L'état actuel des réacteurs censés refroidir paisiblement, à l'instar de leurs homologues britanniques et russes, n'empêchent pas d'envisager le pire, avec ou sans terrorisme. Le site de Valduc, créé dès 1958 et dont la mission concerne le recyclage des matières nucléaires issues des armes retirées du service, mérite aussi une attention particulière, voir des mesures d'assainissement des déchets tritiés, même si les membres du G-8 ne se prononceront pas sur la question. Après tout, dans un autre registre, la France s'est déjà embarquée dans une remise en cause de ses propres installations et de leur finalité. La reconversion à partir de 1997 du site du poste de conduite de tir n°1 du Plateau d'Albion en Laboratoire Souterrain de Bas Bruit ou LSBB [5] en est une parfaite illustration ; et cette démarche motivée par des considérations à la fois stratégiques et écologiques [6] a été une façon de gérer, ici, l'héritage de la guerre froide.
Le chimique sécurisé ?
Dans le domaine de la destruction des armes chimiques. il existe depuis le 14 février 2006 un accord intergouvernemental de coopération, ratifié par Moscou le 30 décembre 2006. Il est en cours de ratification par le parlement français [7] . Avec le projet Shchuch'ye, où le CEA est impliqué -, il s'agit de procéder à une surveillance/veille environnementale de cette future usine de destruction de neurotoxiques (sarin, soman, VX) .Là encore, la contribution française, aussi exemplaire soit-elle, doit-elle se limiter à la Russie ? La question mérite d'être posée car l'entreposage des armes chimiques (françaises) sur le camp de Mailly (dans l'Aube) n'est pas au-dessus de tout soupçon. Les travaux de SECOIA, - acronymes pour Site d'élimination des chargements d'objets identifiés anciens – ont démarré en 2004, (bien que prévus dès 1997), mais l'installation, dont les coûts sont estimés à 90 milliards d'euros, ne sera pas opérationnelle avant 2011-2012 [8] ou en 2016 selon Wikipedia.
A l'heure où le Grenelle de l'environnement a curieusement écarté de son champ d'action tout ce qui relève de la défense et de la sécurité, il ne serait pas prématuré de préconiser, dès à présent, la mise sur pied d'un fond de sécurisation des installations nucléaires et chimiques ; ce fond serait destiné à la fois à l'assainissement, la réhabilitation, ainsi qu'au démantèlement des sous-marins. Sachant que les projets franco-russes portent sur 200 millions d'euros, d'autres fonds pourraient être débloqués pour garantir des formes de désarmement durable [9]. La France pourrait s'enorgueillir de cette reconversion, cette mise à jour.
BC in Débat Stratégique, 2 août 2007
Notes
[1] Elle relèverait du Quai d'Orsay si l'on se réfère au modèle canadien
[2] cf. document du Ministère de la Défense,
[3] cf. Legacy programme de Green Cross International
[4] cf. déclarations du ministre Hervé Morin le 25/06/07 sur France Inter.
[5] rattaché depuis 2004 à l'université de Nice Sophia-antipolis
http://unice.fr/
[6] cf. témoignage de P.M. Gallois
[7] cf. rapport du sénateur André Vantomme
[8] selon Environnement Magazine , n° 1652 , de novembre 2006.
[9] Paris avait pris l'engagement en 2002 de consacrer sur 10 ans 750 millions aux actions de partenariat mondial contre la prolifération des Armes des Destruction massive ou ADM.
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