Les activités de 230.000 militaires, qui gèrent et manient (grâce à 250 000 hectares d’entraînement) 400 tanks, 1.200 avions et hélicos, 120 navires, émettent des gaz à effet de serre. Eh oui, au même titre que le transport routier, le bâtiment, l’agriculture, le secteur militaire impacte le dérèglement climatique.
Pour paraphraser Yves Lacoste, le pétrole, ça sert d’abord à faire la guerre. Les machines de guerre brûlent tellement de combustible que les consommations ne s’expriment pas en litres/100 km mais en litres/heure. Les pays disposant des plus grands arsenaux sont aussi les plus gros consommateurs de carburants. D’ailleurs, si l’on voulait s’en tenir au concept de traitement 'différencié' si cher aux auteurs du Protocole de Kyoto, il serait légitime de rappeler qu'un tiers des Etats les plus industrialisés porte une responsabilité particulière dans le chaos climatique, puisqu'il est responsable de la moitié des guerres au 20ème siècle. Etats-Uniens et Britanniques font semblant de l'oublier, les autres industrialisés ne sont pas très regardants ; tant d'autres en ont fait les frais. En 2011, le Pentagone (1,5 million d’hommes en uniforme) a consommé 117 millions de barils de pétrole, soit quasi l’équivalent de l’essence et du gasoil consommés par l’ensemble du parc automobile britannique (65 millions d’habitants) durant la même année. Or, concernant l’empreinte carbone, chaque tonne de pétrole brûlé dégage près de 4 tonnes de C02….
Mais la guerre des chiffres n’aura pas lieu : le transport aérien, y compris l’aviation militaire qui représente 20 à 25% de la consommation de carburant, est exclu du Protocole de Kyoto ; les émanations provoquées par les forces armées (air, sol et mer) en dehors du territoire national ne sont pas comptabilisées.
En temps de paix
En dressant (une seule fois en 2011) son bilan carbone, le ministère de la Défense dit émettre dans l'atmosphère un peu plus de 5millions de tonnes éq. CO2 . Sauf que. Les données énergétiques de certains systèmes d’armes sont protégées, c’est-à-dire secrètes ; et les émissions carbone dues à la fabrication, (400.000 personnes dont 27.500 emplois directs et indirects à l’export), la possession et le démantèlement de matériels de guerre ne sont pas pris en compte.
Le rapport porte sur l’ensemble du fonctionnement du ministère, ...MAIS hors opérations extérieures (OPEX) et matériels de guerre. Le premier gestionnaire immobilier qui dispose de près de 4.000 installations, soit 45 millions de m2 de surface se focalise sur les économies d’énergie. Il préconise la chasse anti-gaspi pour son parc automobile de 70.000 voitures (2ème après la Poste), sans mentionner les pots d’échappement des 7.000 véhicules blindés de l’armée de terre. Le remplacement des énergies fossiles est reporté et, selon la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), les crédits pour la recherche de produits ‘verts’ au sein du Service des Essences des Armées (SEA) introuvables. Pour l'instant. Le SEA qui fournit le soutien pétrolier direct des forces en OPEX, gère 25 dépôts d’infrastructures, 35 dépôts auprès des bases (aérienne, aéronavale et aviation légère de l'armée de terre) et 8 dépôts outre-mer. Il dispose de 190 wagons citernes, 340 camions citernes et 330 camions ravitailleurs (pour les avions). Il distribue 1,2 à 1,3 million de m3 de carburant chaque année et 5.000 tonnes de lubrifiants et produits divers.
Si réduire par 4 les émissions de GES est bien l'objectif que la France s’est fixée, l'effort serait très difficile à atteindre ‘sans toucher à son cœur de métier’ explique-t-on dans l'univers kaki. Traduisons : l’objectif d’efficacité est non négociable. Une façon de rappeler que la mission que s’attribuent les forces armées consiste à mener des guerres, non de combattre le réchauffement climatique. En faisant mine de croire ou de faire croire que les 2 fronts ne sont pas liés.
Lorsque le CO2 dégagé par chaque avion de combat Rafale (2.200 litres de carburant par heure de vol) sera perçu comme une bombe à retardement, on se rappellera que le carburant le moins cher est celui qu’on ne consomme pas. Et que la guerre la plus écolo est celle qu’on ne livre pas.
B.C.