Y a pas photo, les victimes du nouveau désordre mondial qui n'affolent pas outre mesure le G20 sont nombreuses. Ces Etats en panne, qualifiés pudiquement de défaillants, torturent les méninges des fonctionnaires des agences onusiennes qui préconisent la bonne gouvernance. OK. Mais franchement, comment imaginer des opérations de sauvetage ? Et avec quels moyens puisqu'aucun membre du G20 n'a l'intention de sacrifier son budget de défense ? Comment ces entités qui fraient avec la destruction durable vont-elles se racheter une respectabilité sur la scène internationale ? N'oublions pas la chronologie : tout a commencé par l'attitude qu'avait l'Occident à l'égard de ces Etats voyous (les Rogue States), qui, selon l'Amérique de Bush, étaient aussi des 'postes avancés de la tyrannie' avec pour toile de fond des échantillons peu recommandables comme la Libye, la Birmanie, la Corée du Nord, peu réceptifs aux conseils prodigués par les 'maîtres du monde'.
Ces Etats fragiles, vulnérables, 'à risques' dit-on, sont au nombre d'une trentaine selon la Banque Mondiale. L'Agence de développement international du gouvernement britannique (l'équivalent british de l'AFD), en a identifié 46. Submergés par une certaine forme de militarisation – ou des catastrophes naturelles, ou les deux – ils représentent un risque de conflictualités. Et pour cause : ils sont insolvables. En pleine déroute. Irrécupérables. Et qu'importe si la plupart d'entre eux ont été fragilisés par des conflits insolubles qui ont eu pour dénouement le maintien et la poursuite orchestrée du chaos ? Parmi ces Etats désormais sinistrés, l'Afghanistan plombé par trente ans de privations et destructions. S'il se bat pour son identité, en tout cas, il a perdu presque toutes ses forêts. Parmi les autres territoires victimes de la guerre d'usure, la Somalie ou le Soudan ; ou encore des pays saignés qui survivent tant bien que mal à coups d'interventions et qui sont biberonnés par l'ONU tels le Kosovo ou Haïti ; à quand le tour du Yémen ? Et la Grèce ?
Bref, il existe toute une palette d'Etats en voie de désintégration. D'ailleurs, les plus exposés ne sont pas ceux auxquels on a l'habitude de penser. Prenons le Pakistan. Il en impose avec son programme nucléaire et ses 70 têtes prêtes à l'emploi ; en 1990, son budget de la défense représentait 44 fois celui de la Santé et du planning familial. Qui fait mieux ?
Vous n'avez pas apprécié qu'on parle ainsi des Etats en déliquescence ? Vous allez donc adorer les nouveaux. A la dérive. Flingués par les dettes. Dans le listing, 12 Etats africains qu'on aurait tendance à coincer dans la catégorie des pays les moins avancés, les PMA, pris au piège de la démographie (l'un des indicateurs), et qui sont victimes des acquisitions forcées, comme l'Ethiopie, contrainte de vendre au plus offrant parmi les prédateurs du nord ou du Sud, ses terres agricoles, ses collines sacrées et ses rivières.
Ce catalogue des faillites s'allonge de jour en jour : il faudra peut-être un jour inclure le Nigéria et ses 100 millions d'habitants ; la Grèce a failli y passer... 'Combien de défaillances d'Etats notre civilisation pourra-t-elle supporter avant de sombrer elle-même dans le chaos ?' se demandait Lester Brown du Earth Policy Institute, un des gourous du développement durable. Bonne question ! Dans son dernier livre intitulé 'Le Basculement', Lester Brown se base sur des critères établis le plus sérieusement du monde par le Fund for Peace (fonds pour la paix) et la revue 'Foreign Policy. Il a fourni pour 2010 une liste des 20 premiers Etats défaillants. A qui le tour ?
B.C.