Qu'on ne s'y méprenne pas :
L'arme nucléaire n'est pas condamnable pour le simple motif qu'elle dégrade l'environnement. Même si c'est une circonstance aggravante.
Dans le même ordre d'idée, les crimes de guerre contre les générations futures que furent Hiroshima et Nagasaki, ne seraient pas moins condamnables si demain, ils étaient menés par des sous-marins, rebaptisés Le Durable plutôt que 'Le Foudroyant' (ou 'Le Terrible'), issus d'un commerce équitable, conçus grâce à des arsenaux socialement responsables estampillés ISO 14001...ou encore menés par des missiles appareillés à partir de sites Natura 2000. Combattre les essais nucléaires ne s'est pas fait (uniquement) parce que les pétards esquintaient des récifs coralliens et entraînaient des déchets. Si l'on s'insurge contre les programmes nucléaires semi-clandestins de certains Etats, les dissidents du TNP ou Traité de Non Prolifération nucléaire par exemple, ce n'est pas parce que leurs dirigeants compromettent des sols fertiles et gèrent mal leur yellow cake ou concentré d'uranium! Mais parce que les barbelés qui entourent leurs bases se marient très bien avec l'omerta nucléaire ; et que l'aventure s'échafaude, dans les empires comme ailleurs, à l'encontre de populations qui, à défaut d'être affamées par les priorités budgétaires de dirigeants mégalos, deviennent des cobayes de la destruction durable de l'atome.
Bref, si pollution il y a, elle se situe plutôt à un autre niveau : l'arme nucléaire pollue l'esprit de tous ceux qui persistent à croire que l'ordre (sic) du monde repose sur ce terrorisme moderne de prise en otage de millions d'individus ; que la paix (avec ou sans Mur de Berlin) n'est rien d'autre qu'un massacre de masse en suspens. Alors, le fait de savoir que l' arme (au repos) est d'ordinaire moins polluante qu'une centrale nucléaire civile, – contrairement à ce que pense une majorité de Français (1) – importe peu. Car le nucléaire n'est pas un outil, ce n'est pas seulement une arme : c'est un système de pensée, une représentation du monde. C'est pourquoi les pacifistes avaient coutume de dire, dans les années 80, 'combattre l'arme nucléaire, c'est combattre bien plus que l'arme nucléaire'. Il n'est pas impossible d'imaginer qu'une certaine désescalade nucléaire – une idée enfin ( !) sur la place publique en France (2) s'accompagne de nouvelles règles pour la répartition internationale de la menace de mort. Pour l'instant, tant que l'atome demeure le baromètre de puissance, le désarmement à résonance écologique fera partie du marketing au même titre que la 'guerre propre'.
B.C., Novembre 2009
(1) Selon un sondage BVA de 2003 pour le compte de la Délégation à l'Information et à la Communication de la Défense ou DICOD – 62 % des personnes interrogées considèrent que la force nucléaire en temps de paix présente des dangers pour l'environnement.
(2) Grâce au fils d'Yves Rocard, responsable scientifique des programmes qui vont conduire la France à la maîtrise de l'armement nucléaire.