Les projets de verdissement militaire via des stratégies énergétiques visent d’abord et surtout à rationaliser. L’éphémère ministre de la défense de Trump, James Mattis disait : ‘Less fuel, more fight’ . (Moins de carburant, plus de combat). Certes, il existe aux Etats-Unis, depuis une quinzaine d’années, des projets de réduction des consommations, mais elles ne produisent guère d’effets tant l’inertie est forte en la matière. Alors que les programmes d’armement s’étalent sur des décennies, le nouvel avion de combat F-35, produit par le constructeur Lockheed Martin, celui qui doit succéder aux F-16, est encore plus gourmand en carburant !
Pendant la COP 26 en novembre à Glasgow et en particulier le 6 novembre lors de la ‘global action’ pour le climat, des citoyens et citoyennes se sont mobilisés pour exiger de la part des dirigeants que leurs forces armées et que les industries de défense réduisent leur impact sur le climat. Simple coïncidence ou bon timing, le 6 novembre est la Journée internationale pour la prévention de l'exploitation de l'environnement en temps de guerre et de conflit. Elle est célébrée chaque année depuis 2001 grâce à la Résolution A/RES/56/4 de l’Assemblée Générale de l’ONU. Cet évènement complètement zappé en France est une retombée de la Convention ENMOD (sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toute autres fins hostiles) du 18 mai 1977. Une Convention ratifiée nombre d'Etat petits grands, et puissances moyennes exceptée la France, par tous les Etats dotés d’armes nucléaires (même la Corée du Nord), sauf la France et Israël.
A la demande expresse des autorités étatsuniennes, les émissions de gaz à effet de serre d’origine militaire ne sont pas comptabilisées depuis le protocole de Kyoto de 1997. D’ailleurs, rares sont ceux qui se hasardent à évaluer l’impact des industries d’armement (qui sont des industries duales).
Depuis l'Accord de Paris (COP21) de 2015, il appartient à chacun des gouvernements des ‘parties’ de décider s’il estime judicieux ou non d’assigner un objectif de réduction à ses forces armées. On peut donc en déduire le secteur militaire n’est pas contraint à participer à l’effort de résistance climatique. Le complexe militaro-industriel affiche son refus d'assumer la moindre responsabilité. Même si, avec des avions de combat de type Rafale qui consomment plus de 110 litres de carburant par minute, le Département de la Défense (DOE) des Etats-Unis consomme à lui seul 350.000 barils de pétrole par jour. C’est l’équivalent de la consommation quotidienne de la population suédoise, soit 10 millions d’habitants.
Grâce aux campagnes menées par divers mouvements cet automne, d’abord au Royaume-Uni puis ici et là au niveau de l’U.E., y compris (timidement) en France, et grâce à certaines revues, le sujet est (enfin !) à l’ordre du jour
Les auteurs d'une étude de février 2021, commanditée par la Gauche Unitaire Européenne (GUE) au Parlement Européen et concernant 6 pays, ont constaté que seules l’Allemagne, la Slovaquie et Chypre fournissent des données plus ou moins complètes, via les rapports nationaux et européens combinés. Ce n’est pas le cas de la France où les autorités s’obstinent à exclure l’empreinte carbone des opérations extérieures (OPEX)
Pour la première fois
Devant cette pression exercée par des représentants de la société civile, des responsables s’expriment, à commencer par le secrétaire général de l’OTAN ou la ministre française des armées Florence Parly Elle annonce le 11 novembre (2021) l'adoption par 22 ministres de la défense d'une initiative pour déclencher, au niveau international, une dynamique visant à mobiliser les armées pour lutter contre le réchauffement climatique,,, comme le confirme une dépêche AFP du 12 novembre 2021.
Par une forme d’allergie infantile à tout ce qui relève du vert kaki, par incapacité d’évaluer l’importance des enjeux militaires, les mouvements écologiques et progressistes, toutes tendances confondues, ont peu ou prou déserté ce front. Or, il permet de a) faire la jonction entre les aspirations pacifistes et écologiques ; b) avancer des arguments en faveur de la décroissance militaire…50 ans après la sortie du rapport du Club de Rome (1972) ; et c) donner un contenu à l’insécurité climatique en impliquant les civils pour éviter n’importe quel délire sécuritaire. Saura-t-on se débarrasser de cette posture ? A travers les campagnes menées par des ONG dont celle d’Amnesty International sur les ventes d’armes, les révélations grâce au travail des journalistes de Disclose ou encore les manifs organisées à Glasgow pour mettre fin à l’exemption des émissions d’origine militaire, on peut espérer. Que les candidats à la prochaine élection présidentielle s'en inspirent.
Bernard Dréano (*) et Ben Cramer
(*) président du CEDETIM (Centre d'études et d'initiatives de solidarité internationale) et co-président du réseau international Helsinki Citizens' Assembly.
et merci à Reporterre